Voici, ci-dessous, ma vision des choses pour un projet. Elle repose sur quelques principes, dont ci-après une première ébauche.
1. Il ne s’agit pas de se servir de la psychanalyse, mais il s’agit plutôt de la servir.
2. Il s’agit de la défense et de l’illustration de la psychanalyse – cette praxis originale inventée par Freud -, parce qu’elle est sérieusement menacée d’assasinat et d’extinction. Et, je l’ai dit et écrit, la psychanalyse est une discipline mortelle !
3. C’est le signifiant “psychanalyse” qui est à défendre et à illustrer. Pas les noms propres de Freud ou de Lacan ou de quelques autres. Ces noms, et leurs oeuvres, doivent prendre leur juste place dans l’histoire du mouvement psychanalytique qui continue.
4. Le monde a changé et depuis la disparition de Freud (Londres, 1939), et depuis celle de Lacan (Paris, 1981). Tous les grands noms qui ont marqué l’histoire de notre discipline s’en sont allés. Les derniers grands élèves de Lacan, pour nous français, sont en voie d’extinction. Ils disparaissent les uns après les autres. En reste-t-il même encore dix à ce jour ?
5. La société française, parmi les sociétés occidentales, est en pleine mutation. La psychanalyse ne s’y pratique plus comme il y a quarante ans, je puis en témoigner. Les pures demandes d’analyse se sont progressivement raréfiées. Les plus jeunes d’entre nous souffrent ainsi d’un manque criant de clientèle pour s’installer, mais ce fait doit être tu dans les sociétés,…Chut ! Pourquoi ne pas dire que le Roi est nu ?
6. La psychanalyse est, en France, critiquée, attaquée de toutes parts, combattue, voire interdite (Cf. dans le domaine de l’autisme), tout cela avec le consentement aveugle et veule des pouvoirs publics trop facilement conquis par les psychothérapeutes et leurs cinq cents techniques de psychotherapies. Qui a connu Freud vivant ? Personne, bien sûr. Qui a connu Lacan vivant… ? Quelques-uns encore qui se retrouvent en charge aujourd’hui de ce que l’on appelle l’enseignement, la formation, en un mot la transmission.
7. Les plus jeunes d’entre nous n’ont plus alors qu’un rapport livresque aux textes de Freud, Ferenczi, Abraham, Ana Freud, Mélanie Klein, Donald Winnicott et Lacan. Et le danger serait de laisser l’Université former en théorie les esprits des plus jeunes sous le contrôle de l’Etat, puisqu’en pratique elle ne le peut.
8. Tous les modèles d’institution pour la psychanalyse ont été, depuis belle lurette, tentés, essayés, proposés/imposés, expérimentés. Tous ont échoué, il faut quand même le dire, au bout de quelques mois ou de quelques années : le modèle de l’Eglise (I.P.A.), le modèle de l’Armée (E.C.F.), le modèle de l’école antique de philosophie (celui dont se réclamait Lacan à la fondation de son école, en 1964, l’E.F.P.).
9. Je pense qu’il faut, aujourd’hui, être modeste, humble. Ce qui n’empêche nullement d’être rigoureux.
10. Aucun analyste à venir ne pourra socialement et psychanalytiquement rester isolé, sans attache institutionnelle a minima. Les pouvoirs publics et les autres professionnels du champ psychique (psychiatres, psychologues, psychothérapeutes), comme le public, ne supporteront plus, à l’avenir, cette solitude socio-professionnelle du psychanalyste rabattue sur un supposé charlatanisme incontrôlé. Du point de vue de ce praticien appelé “psychanalyste”, il serait encore plus dangereux de “se croire être” psychanalyste, seul dans son coin. La psychose et/ou la perversion le rattraperaient bien vite pour l’habiter à son insu.
11. Nous, les psychanalystes d’aujourd’hui, nous ne voulons plus être pris en 2017 dans les déviations et les compromissions qui affectent notre pratique et notre présence au monde au contact de la psychiatrie biologique et comportementaliste, de la psychologie et des psychothérapies. Notre pratique s’y trouve déconsidérée, y dégradant son emploi et amortissant d’autant son progrès. Nous voulons sonner la sonnette d’alarme et restaurer le soc tranchant de la vérité.
12. Car c’est ainsi, c’est bien la vérité, oui la vérité, que vise la psychanalyse. La vérité du sujet, celle de son désir, d’un sujet divisé entre vérité et savoir.
13. Si l’ambition nous habitait – et pourquoi ne nous habiterait-elle pas ? -, nous pourrions parler en utilisant des gros mots : Relance, renouveau, voire renaissance ou reconquête de la psychanalyse en ce pays, la France, et du devoir qui lui incombe en ce monde. Voilà quels seraient les maîtres-mots.
14. Je suis pour une association loi 1901, simple, claire, basique, ouverte, avec une seule catégorie de membres. Que cette association porte un jour une école, ou non, est déjà une autre question, insoluble au jour d’aujourd’hui.
15. Ce qui veut dire, dans mon esprit, qu’il faut revenir en-deçà de ce qu’entraîne, ipso facto, la notion lacanienne d’école : cartel et passe. Pour aller, un jour, au-delà, le fameux jenseits de Freud.
16. Une association, faisant collectif, institution de rattachement, port d’attache, “home”, havre, base de ressourcement mais aussi d’actions, cercle d’échanges de pairs, club,… pourquoi pas !
17. Le tout dans ce que Lacan avait nommé transfert(s) de travail, et j’ajouterai, un profond respect des différences.
18. Les noms qui me conviendraient sont : “Le réveil de la psychanalyse”, ou “Pour la psychanalyse”, ou encore “La psychanalyse”… C’est le signifiant “psychanalyse” qui importe aujourd’hui, pas les noms propres, fussent-ils historiques. La psychanalyse est devenue une discipline commune… !
Telle est ma conception à ce jour !
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